Vergiss mein nicht
EAN13
9782843443114
Éditeur
Le Bélial
Date de publication
Collection
Roman
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Vergiss mein nicht

Le Bélial

Roman

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782843443107
    • Fichier PDF, libre d'utilisation
    0.99

  • Aide EAN13 : 9782843443114
    • Fichier EPUB, libre d'utilisation
    0.99
L’IEPT (Institut d’Etudes Polyvalent du Trident) est un préfabriqué provisoire
depuis vingt ans, auquel quelque architecte fou ou ivre a donné la forme d’un
cancer généralisé. Cette monstrueuse tumeur de béton répand ses métastases au
bord du canal Vieux Baiser, crachant ses élèves par trois sorties : l’une,
côté sud, dégringole jusqu’à la nationale, l’autre, côté est, mène à un puits
de boue pompeusement nommé stade, et la troisième, plein nord, à la cité
universitaire. Il devrait y en avoir une à l’ouest, mais c’est là que passe le
canal. Qu’aucune sortie ne donne sur cet égout est la seule preuve de
l’intervention d’un cerveau raisonnablement pensant dans la conception de
l’IEPT.La ZI du Trident prolifère sur dix kilomètres autour de l’Institut,
jusqu’à la ville de Haussun Sassey ; on la voit de loin, à cause de son dôme
de smog. Quand on arrive des hauteurs d’Haussun, et pour peu qu’il fasse beau,
la vue est d’une splendeur martienne : les infrastructures des usines
étincellent au fond de la brume délétère, les tuyères luisent comme des
anguilles, le dos rond des hangars ruisselle de soleil. Vu de près, c’est
moins gracieux. Tout l’IEPT rêve de mettre la main sur le type qui a ainsi
appliqué à la lettre l’idée pleine d’esprit de rapprocher le monde
universitaire de celui de l’entreprise. Lui mettre la main dessus et ensuite,
lui faire prendre un bain dans le canal. C’est un fantasme sadique, car Vieux
Baiser charrie l’intégralité des déchets industriels du Trident plus une bonne
partie des déchets domestiques de Haussun Sassey. Un centre de traitement des
eaux usées est censé intervenir quelque part en amont, mais ce sont des
rumeurs peu dignes de foi. A hauteur de l’IEPT, on a installé le long du canal
un grillage protecteur que les émanations acides ont depuis longtemps réduit
en loques. Les panneaux « Baignade interdite » ont fait rire des générations
d’étudiants : la mousse qui recouvre Vieux Baiser, nuancée depuis le jaune
pisse jusqu’au vert morve et secouée de brusques remontées de gaz, donne envie
de vomir, de fuir ou d’éteindre sa clope mais jamais — jamais — de nager. Tout
ça n’empêche pas l’IEPT d’être « une bonne université remplie de bons profs
avec du bon matos ». Je me récitais cette devise quand je sentais la foi me
quitter, et chaque fois je faisais un petit bâton sur un petit carnet. Dès que
j’avais une pleine page de petits bâtons, je sautais dans mon cendrier
roulant, une R5 en ruine, et filais vers Hauss boire un peu d’oxygène et
beaucoup de bière dans un bar downtown. Ceci mis à part, j’étais une thésarde
modèle, passant un tiers de mon temps en amphi, un tiers à dormir dans une
cellule tapissée de posters des Editions du Désastre, et le troisième tiers à
me préoccuper du matériel : refouler les resquilleurs dans la queue du restau
U, trier la viande du gras, boucher les trous dans la porte des chiottes avec
du PQ pour pisser en paix et tabasser la photocopieuse.
S'identifier pour envoyer des commentaires.