Les coups de cœur de Mots & Images pour la rentrée littéraire !

Opus 77

Viviane Hamy

19,00

Préparez-vous à rencontrer :

Claessens, le père, qui fut un grand pianiste avant de se tourner vers la direction d'orchestre et de devenir le chef émérite de l'Orchestre de la Suisse romande.
Son surnom : "Le Commandeur";
Yaël, la mère, soprano au vibrato exceptionnel, d'origine israélienne;
David, le fils aîné, violoniste absolu ;
Ariane, la fille, pianiste virtuose, soliste exceptionnelle, et "diseuse" de notre récit ;
Krikorian, qui enseigne l'art du violon à David.

Tout commence par un long recueillement dans une basilique genevoise : Classens est mort. L'assistance attend qu'Ariane entame la marche funèbre que l'on se doit de jouer, traditionnellement, pour célébrer les Grands Hommes. A la stupéfaction générale, la partition choisie est différente : ce sont les notes du concerto de Chostakovitch pour violon et orchestre, le fameux Opus 77 du compositeur russe qui s'élèvent vers les hauteurs de la cathédrale. La raison ? Cette œuvre est la toile sur laquelle s'est tissé, au fil des ans, le destin tragique de la famille Claessens.

C'est une mise à nu sans pitié, rythmée par les cinq mouvements du concerto, qu'offre aux auditeurs et aux lecteurs sidérés une jeune femme de 27 ans. Qu'est-ce donc qu'être un enfant "prodige" ? Qu'attend donc un père de ses enfants et notamment de son fils aîné ? Pourquoi David a-t-il sabré son génie en une seule soirée, lors de la finale du plus prestigieux des concours musicaux ? Et Ariane, pourquoi s'est-elle enfermée dans le rôle de la soliste à la beauté froide, à la virtuosité diabolique ? Qu'est-il advenu de l'amour fulgurant qui avait uni leurs parents dès le premier regard, dès la première note pleine de lumière jaillie de la gorge de Yaël.

Les souvenirs remontent et s'écorchent aux arpèges vertigineux d'une pièce musicale qui semble la représentation d'un XXe siècle à feu et à sang.


24,90

Une poignée de douleur et de chagrin suffit pour trahir, et une seule étoile scintillant dans la nuit pour qu'un peu de lumière brille par intermittence dans toute cette horreur.
Dans la lignée des Bienveillantes de Jonathan Littell ou de Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, un roman hors normes, une fresque exubérante et tragique, pleine de passion, de sang et de larmes, qui retrace tout un pan du XXe siècle, de Riga à Tel Aviv en passant par Auschwitz et Paris. À travers l'histoire de Koja, Hubert et Ev Solm, deux frères et leur sœur, sorte de ménage à trois électrique, Chris Kraus nous entraîne dans des zones d'ombre où morale et droiture sont violemment bafouées, et dresse en creux le portrait d'une Europe à l'agonie, soumise à de nouvelles règles du jeu.
Une œuvre impressionnante, magnum opus sur le déclin d'une époque et la naissance d'une nouvelle ère.


25,00

2 novembre 1999. Luther Dunphy prend la route du Centre des femmes d’une petite ville de l’Ohio et, se sentant investi de la mission de soldat de Dieu, tire à bout portant sur le Dr Augustus Voorhees, l’un des « médecins avorteurs » du centre.

De façon éblouissante, Joyce Carol Oates dévoile les mécanismes qui ont mené à cet acte meurtrier. Luther Dunphy est à la fois un père rongé par la culpabilité car responsable de l’accident qui a causé la mort d’une de ses filles, et un mari démuni face à la dépression de sa femme. Pour ne pas sombrer, il se raccroche à son église où il fait la rencontre décisive du professeur Wohlman, activiste anti-avortement chez qui il croit entendre la voix de Dieu. Comme un sens enfin donné à sa vie, il se sent lui aussi chargé de défendre les enfants à naître, peu importe le prix à payer.

Dans un camp comme dans l’autre, chacun est convaincu du bien-fondé de ses actions. Mené par des idéaux humanistes, Augustus Voorhees, le docteur assassiné, a consacré sa vie entière à la défense du droit des femmes à disposer de leur corps. Les morts de Luther et d’Augustus laissent derrière eux femmes et enfants, en première ligne du virulent débat américain sur l’avortement. En particulier les filles des deux hommes, Naomi Voorhees et Dawn Dunphy, obsédées par la mémoire de leurs pères.

La puissance de ce livre réside dans l’humanité que l’auteure confère à chacun des personnages, qu’ils soient « pro-vie » ou « pro-choix ». Sans jamais prendre position, elle rend compte d’une réalité trop complexe pour reposer sur des oppositions binaires. Le lecteur est ainsi mis à l’épreuve car confronté à la question principale : entre les foetus avortés, les médecins assassinés ou les « soldats de Dieu » condamnés à la peine capitale, qui sont les véritables martyrs américains ?

Joyce Carol Oates offre le portrait acéré et remarquable d’une société ébranlée dans ses valeurs profondes face à l’avortement, sujet d’une brûlante actualité qui déchire avec violence le peuple américain.


Sabine Wespieser Éditeur

21,00

Le nouveau roman d’Edna O’Brien laisse pantois. S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l’auteure irlandaise se glisse dans la peau d’une adolescente nigériane. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les mauvais traitements, et son mariage forcé à un djihadiste – avec pour corollaires le désarroi, la faim, la solitude et la terreur.
Le plus difficile commence pourtant quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue en captivité. Celle qui, à sa toute petite fille, fera un soir dans la forêt un aveu déchirant – « Je ne suis pas assez grande pour être ta mère » – finira bien, après des jours de marche, par retrouver les siens. Et comprendre que rien ne sera jamais plus comme avant : dans leur regard, elle est devenue une « femme du bush », coupable d’avoir souillé le sang de la communauté.
Girl bouleverse par son rythme et sa fureur à dire, à son extrême, le destin des femmes bafouées. Dans son obstination à s’en sortir et son inaltérable foi en la vie face à l’horreur, l’héroïne de ce roman magistral s’inscrit dans la lignée des figures féminines nourries par l’expérience de la jeune Edna O’Brien, mise au ban de son pays pour délit de liberté alors qu’elle avait à peine trente ans.
Soixante ans plus tard, celle qui est devenue l’un des plus grands écrivains de ce siècle nous offre un livre d’une sombre splendeur avec, malgré tout, au bout du tunnel, la tendresse et la beauté pour viatiques.

Prix Femina étranger 2019 pour l'ensemble de son œuvre




Dans le ghetto de Lodz, Chaïm Rumkowski est comme une autre figure du diable. Lui, l’autoproclamé Roi des Juifs qui prétendait sauver son peuple, a transformé le ghetto en un vaste atelier industriel au service du Reich. Il parade en calèche et costume trois-pièces, en appelle à la « bonne volonté » des familles, et frappe monnaie et timbres à son effigie.

Face à ce pantin des exigences nazies, dans les caves, les greniers, sourdent les imprimeries et les radios clandestines, les photographes détournent la pellicule du service d’identification, les enfants soustraits aux convois hebdomadaires se dérobent derrière les doubles cloisons...

Et parmi eux Alter, un gamin de douze ans, qui dans sa quête obstinée pour la vie refuse de porter l’étoile. Avec la vivacité d’un chat, il se faufile dans les moindres recoins du ghetto, jusqu’aux coulisses du théâtre de marionnettes de Maître Azoï, où il trouve refuge…

Dans Un monstre et un chaos, Hubert Haddad fait resurgir tout un monde anéanti, où la vie du ghetto vibre des refrains yiddish beaux comme un chant de résistance éperdu – un chaos, plein de bruit et de fureur, où perce la lumière. Et c’est un prodige.