Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Tome 1 - Hiver, printemps

1

Rue de Sèvres

Conseillé par
2 novembre 2014

Jacques Ferrandez est un auteur de BD bien connu, pour ses adaptations de Camus ou ses Carnets d'Orient voire pour les excellents L'outremangeur et Le Mécano du vendredi en collaboration avec Fellag ; ça c'est juste la liste de ce que j'ai lu de lui. Il est aussi, d'après la préface de Sébastien Lapaque, un amateur des bonnes choses.
Yves Camdeborde est un cuisinier, un des pionniers de la bistronomie, passé chez des grands chefs, il a voulu mettre à la portée du plus grand nombre son talent et ses idées. Il est aussi connu pour avoir été juré dans l'émission Masterchef, que je ne regarde pas, mais je l'ai vu un midi sur Canal+, venir avec son panier et ses produits et j'avais bien aimé son discours.

Les deux hommes se rencontrent et l'un emmène l'autre voir ses fournisseurs, parfois devenus des amis. Tous sont amoureux de leur métier, qu'ils soient vignerons, charcutiers, éleveurs, fromagers, maraîchers, couteliers, ... Comme le titre l'indique, c'est une BD Terroirs, alors il faut aimer le genre et aimer les propos qui vont avec : préférer manger et boire sain et local, respecter le rythme des saisons, aller sur les marchés ou directement aux producteurs plutôt que de passer par des intermédiaires, favoriser les produits biologiques, les pratiques saines.

Moi, tout ça, ça me va, je le pratique autant que possible, même si je n'échappe pas à des passages au supermarché du coin, mais là encore, je privilégie le "petit" Super U (j'espère qu'avec cette pub, ils m'offriront des caddies gratuits) aux très grandes surfaces voisines dans lesquelles je me perds. Et même lorsque mes finances me permettent, je vais à la supérette bio, mais là, ça fait un intermédiaire qui prend de la marge, alors, pour les fruits et légumes, je vais voir les producteurs locaux (marché, ESAT, Centre de réinsertion, maraîcher et producteur de fruits).
Donc cette BD est faite pour moi ; à chaque fournisseur rencontré, je me disais qu'il fallait que je note l'adresse, notamment pour les viticulteurs bio, j'irai voir un jour où je passerai pas loin de chez eux (ou si l'un ou plusieurs d'entre eux veut me faire parvenir des bouteilles, je m'engage bien sûr, d'abord à les boire entre amis et ensuite à faire une chronique sur le blog -je tente, on ne sait jamais...). C'est une BD qui est à mettre dans la lignée de celle d'Etienne Davodeau, Les ignorants, mais là où lui parlait de la relation entre un viticulteur et un dessinateur de BD, Y. Camdeborde et J. Ferrandez parlent de nombreux producteurs, ce qui, parfois fait un peu décousu, un peu inventaire. Néanmoins, l'ouvrage m'a bien plus, parce qu'on sent tout le professionnalisme des gens qu'on y voit, tout l'amour qu'ils ont pour leur travail, le produit d'icelui et le partage de leur passion. Si l'on ajoute à cela le dessin de Jacques Ferrandez, réaliste, dans lequel il insère parfois des cases de ses carnets de croquis, les explications très simples mais complètes sur la manière de faire du vin, de chercher les truffes, de fabriquer un couteau (la coutellerie Perceval, installée à Thiers, de véritables artistes -je ne suis pas contre non plus, un couteau de poche, pliant, n'importe lequel, je suis très ouvert, contre un article sur le blog) ... et même des recettes de quelques protagonistes, eh bien ça fait un beau livre, mais en plus instructif. Un Tome 1 qui présente la collection Hiver et printemps, le tome 2 pour les saisons restantes suivra. Sincèrement, je pense qu'on peut se sortir de cette léthargie ou de cette crise en se bougeant et en bousculant ce que l'on veut nous imposer, notamment dans le système marchand. Les associations locales, les AMAP, les circuits courts, tout cela est à privilégier, d'abord parce que c'est meilleur, ensuite, parce que c'est bon pour le porte-monnaie : moins d'intermédiaires = moins cher et enfin parce que ça fait vivre des producteurs ou des artisans locaux donc moins d'impact sur la pollution.

Tout cela m'a donné faim et soif et surtout envie d'aller chez Yves Camdeborde qui, dans sa cuisine, résume tout. Bon, ce coup-ci, je ne vais pas faire le coup de tenter une chronique contre un repas, mais Yves Camdeborde, sachez que si l'envie vous prenait d'inviter un autre Yves, je pourrais faire le voyage Nantes-Paris...

Conseillé par
2 novembre 2014

Tout commence très bien, je suis accroché dès les premières phrases. L'histoire, le ton me plaisent. Luce est un personnage énigmatique, dont on apprend la vie peu à peu. Les enfants le sont tout autant. Charles Frazier procède par petites touches qui à chaque fois nous apprennent une nouveauté sur chaque personnage. Un récit lent, qui fait également la part belle à la nature, aux espaces. La relation entre Luce et les deux enfants se tisse lentement par l'intermédiaire de la nature, tout a lien avec elle. Puis, ça se gâte, de lent, le récit devient long, je passe des paragraphes, puis des pages, et lorsque je vois qu'il m'en reste encore plus de 200 à lire, je m'angoisse... Pourquoi faire de si longs bouquins (383 pages) avec de telles longueurs ? Ce qui me chagrine c'est que C. Frazier avait de quoi faire un beau, très beau roman avec Luce, les enfants et leur environnement, cette magnifique maison au bord du lac. Pourquoi a-t-il fallu qu'il rajoute Bud, qui n'apporte rien au récit, qui l'allège même. C'est fort dommage, ce livre qui partait fort aurait pu en le condensant être superbe. Il n'est finalement qu'un roman dilué, qui promet et déçoit.

Larizza O

Andersen éditions

Conseillé par
2 novembre 2014

Roman ou suites de nouvelles humoristiques, sans doute puisées dans les aventures d'Olivier Larizza qui ne prend pas la peine de donner un pseudonyme qu'-on-ne-saura-pas-que-c'-est-lui pour son héros. Le livre est successivement enlevé, drôle, léger, décevant, attendu, osé, autobiographique, ironique, mordant, bourré de références littéraires, d'allusions à peine voilées à tel ou tel écrivain ou tel ou tel héros célèbre... Ca commence bien, avec des blagues légères, une situation décalée, des chutes si ce n'est imprévisibles au moins inattendues dans leur manière de tomber très abruptement. Tout cela dans le premier chapitre, Le jeu de l'amour et du bas art. Puis Olivier Larizza enchaîne sur un deuxième chapitre décevant, aux blagues déjà lues ou entendues qui ne font pas vraiment mouche, pour revenir avec d'autres chapitres qui renouent avec un humour plus personnel.

Je dois bien avouer une relative déception quand même, je m'attendais à un livre plus féroce, plus mordant. Là où Olivier Larizza fait dans le calembour, le jeu de mots facile, j'aurais apprécié une plus grande implication et allons-y franchement, une critique plus vache du monde littéraire, même si je dois dire que le chapitre consacré à son éditeur est bien tourné, drôle et finalement assez méchant, je ne sais pas si les éditeurs ressemblent à ce Aristide Brillant. Le chapitre intitulé La dernière interview de Bernard Pinot-Noir : "Comment j'ai inventé la rentrée littéraire" est également bien troussé, le "témoignage" de Bukowski après son éjection de l'émission pour cause d'ébriété avancée vaut son pesant de rires et sourires.
Pour le plaisir, je vous cite mon passage préféré, tiré du chapitre Pour qui qu'on sonne le glas ? :
"- Je ne serai heureux que lorsque je serai un occis mort.
- Ce qui est un pléonasme, repartis-je dans un réflexe d'ancien prof de littérature
- Un occis mort est un pléonasme ?
- Ou une tautologie, comme tu voudras. En tout cas, ce n'est pas un oxymore, si tu m'autorises ce trait d'esprit.
- Comment un occis mort pourrait-il ne pas être un occis mort ?
- Tu confonds le pléonasme et l'oxymore. Un occis vivant est un oxymore." (P.165/166)

Un drôle de roman drôle qui souffle le réchauffé ou les reprises de blagues connues et l'invention ou la réécriture de certaines qui elles, forcément plus personnelles, me touchent plus. Il y a en lui un ton qui me plaît bien, c'est sans doute pour cela que je suis un peu sévère, parce qu'il n'y est pas sur la durée, il s'essouffle. Dommage. Un livre à intercaler entre deux romans plus plombants de la rentrée littéraire qui les fera passer plus facilement.

32,00
Conseillé par
2 novembre 2014

Lorsque les éditions Tishina m'ont demandé si je voulais bien lire et commenter leur nouveau livre, j'ai d'abord, comme toujours lorsque je suis sollicité par mail, visité leur site et regardé plus largement ce qu'elles proposaient : des livres, des textes connus illustrés, Le soleil des Scorta est le deuxième, le premier est Soie, d'Alessandro Baricco. Je me suis laissé tenter -ce que je ne fais que très rarement- d'abord parce que je n'avais jamais lu ni ce roman de Laurent Gaudé, ni aucun autre d'ailleurs et ensuite, parce qu'un roman illustré, cela me faisait renouer avec mes années adolescentes et les romans de Jules Verne ou les romans d'aventures illustrés que je lisais.

Je reçois donc ce livre aimablement envoyé par Antoine Ullmann, et ma première impression est excellente, puisque le livre est beau. Gros et beau. Une couverture au "pliage complexe qui fait rager les imprimeurs" (p.366 -et oui, je lis jusqu'au bout, même les indications finales de fabrication du livre), qui donc se déplie, façon poster, recelant en son recto un arbre généalogique des Scorta. La mise en page et la police sont irréprochables, et la version italique d'icelle est très classe et facilement lisible, ce qui n'est pas toujours le cas des polices en italique.
Je continue mon exploration en commençant la lecture du roman, et dès les premières lignes, je suis totalement embarqué et ceci, jusqu'au bout, sans aucun temps mort. Je rappelle ici aux ignorants -dont je faisais partie avant, mais c'était avant- que Le soleil des Scorta est écrit en 2004 et qu'il a reçu le Prix Goncourt cette même année, ce qui n'est pas à mes yeux une preuve de qualité de l'œuvre littéraire, mais il se trouve que cette année-là, les jurés ne sont point trompés. Laurent Gaudé a une écriture à la fois directe et poétique. Il procède par phrases courtes, parfois par images, qui s'imposent pour parler d'une chaleur indescriptible : "Un homme poussiéreux et sale entrait dans la maison des Biscotti, à l'heure où les lézards rêvent d'être poissons, et les pierres n'y trouvèrent rien à redire." (p.17). Les Scorta ont cette terre si pauvre dans le sang ainsi que le soleil qui les brûle mais qu'ils ne trouveront jamais ailleurs : "Jamais un Scorta, donc, ne pourrait se soustraire à cette terre misérable. Jamais un Scorta n'échapperait au soleil des Pouilles. Jamais." (p.221). Quitte à souffrir, et ils souffriront, ils restent à Montepuccio. C'est un roman sur l'attachement tant aux siens qu'à la terre, sur l'honneur -à l'ancienne- d'une famille rurale et fière, consciente qu'elle n'existe en tant que telle que sur cette terre. Une saga avec des personnages plus forts que d'autres qui sortent du lot, qui forgeront l'ossature de la famille mais qui ne peuvent le faire que parce qu'ils sont tous ensemble. Une ode à la famille, aux liens familiaux ou non que l'on tisse dans sa vie. Un texte magnifique et fort que je ne regrette pas de n'avoir pas lu plus tôt, car j'ai pu, grâce à cet oubli, le lire dans sa version illustrée par Benjamin Bachelier.
Les illustrations sont très variées, dans les techniques (aquarelles, dessins, acryliques -bon, là j'ai pris les renseignements dans le dossier de presse) et dans les thèmes, les tons et les couleurs. Ils collent parfaitement au texte. Les dessins sur la chaleur accablante rajoutent quelques degrés, par leurs couleurs chaudes. Ceux qui sont dans le chapitre sur la tarentelle sont absolument formidables, en noir et blanc et l'on voit la danse voire la transe des gens dessinés -c'est dommage que je ne puisse pas découper les pages, je les aurais bien encadrées et accrochées. On est assez loin de mes lectures d'enfance, car là les illustrations de B. Bachelier sont vraiment une lecture particulière du roman, on prend le temps de s'arrêter de lire pour les regarder, les contempler. C'est un roman illustré pour adultes. Un très bel ouvrage, de très grande qualité à tous les niveaux

Oliver BOTTINI

Editions de l'Aube

Conseillé par
25 octobre 2014

Que voici un polar étonnant... et bien fichu. Exactement comme je les aime. Une filiation évidente et assumée avec Henning Mankell (deux citations dans le livre). Louise est en quelque sorte la petite sœur livresque de Kurt Wallander : elle est divorcée, s'entend mal avec ses parents, est plutôt une flique qui travaille seule, qui bosse la moindre piste mais se fie aussi à son instinct, à ses sentiments, elle est un brin dépressive (l'alcool ne l'aide pas vraiment). Filiation il y a mais Oliver Bottini sait créer une ambiance qui lui est propre. Pour nous Français, Louise pourrait être aussi le pendant dramatique de Viviane Lancier la fameuse commissaire de Georges Flipo (qui n'aime point les vers ou qui n'a point l'esprit club) : elle a quelques kilos en trop (à peine cinq, une broutille), apprécie les jeunes gens et peut souffrir de misanthropie.

Oliver Bottini ne lésine pas sur les seconds rôles, ils sont bien décrits, bien travaillés, tant ceux qu'on ne verra que le temps de cette enquête (qui meurent ou qui sont des protagonistes de l'histoire en cours) que les collègues de Louise, Bermann son chef impulsif, Lederle aux petits soins pour elle, Katrin Rein, la psychologue qui va tenter de la faire sortir de sa mauvaise passe et qui s'inquiète pour elle. Mais c'est Louise qui bénéficie du traitement le plus important, on n'ignore quasiment rien de ses tourments, de ses malheurs, de ses questionnements et de ses peurs. Elle vit avec des images des gens qui l'ont croisée ou qui la croisent encore, parfois on peut être surpris car un nom sort qu'on ne connaît pas (cf. Amélie, p. 88/89), ce n'est pas gênant pour la bonne compréhension, mais ça surprend ; je me dis que comme c'est une série, on apprendra des trucs dans les autres volumes, qu'on suivra Louise dans ses difficultés. Paradoxalement, on ne sait que très peu de son apparence physique, l'auteur distille de rares informations au fil des pages : brune, 4.5 kilos en trop, 42 ans, Anatol, son jeune amant lui dit "qu'elle possédait une étrange beauté, une beauté "pour ainsi dire souterraine". Elle n'était pas d'une véritable beauté au premier coup d'œil, parce qu'elle n'était "pas vraiment mince" et tout, "et tes cheveux, tu ne t'en occupes pas vraiment, non ?" En revanche, plus on la regardait, plus elle devenait belle, d'une beauté tout simplement captivante ; sa mimique, son rire, son air béat, son regard et son corps possédaient une beauté qui leur était propre, quelque chose de chaleureux, de sauvage, de triste, de singulier, d'authentique, et après, on ne pouvait plus la quitter des yeux, plus arrêter de la caresser." (p.375)
Pour être complet, ce roman policier n'est pas d'un rythme effréné, à tel point qu'arrivé à un bon quart (environ 100 pages puisqu'il en fait 402) on se demande vraiment ce qui se passe, on n'a fait que se balader en montage avec Louise et le moine, mais on remarque qu'on ne s'est pas du tout ennuyé, au contraire. Les investigations sont longues, lentes et Oliver Bottini digresse sur les relations policières franco-allemandes, sur la société actuelle, sur le trafic d'enfants (puisque c'est cette direction que semble prendre l'enquête), sur ce besoin d'enfants à tout prix qu'ont les Européens pensant sauver de la misère des enfants asiatiques ou africains en les adoptant, sur le bouddhisme et cette manière particulière d'aborder la vie et le sens qu'on lui donne. Un polar qui ne se contente donc pas d'aligner des indices et des coups de feu. Un polar ancré qui parle de la société, de ses débordements, ses aberrations, sa demande de consommation excessive et aussi des réponses possibles pour se recentrer et prendre du temps pour soi.
Un excellent début de série policière qui me rappelle les meilleures d'entre elles, et comme j'ai le deuxième tome chez moi, eh bien je suis plus que ravi. N'hésitez pas, commencez-la, en plus ce Meurtre sous le signe du zen est en collection poche.