Le Quai de Wigan

George Orwell

Ivrea

  • Conseillé par
    23 mars 2020

    Une grande justesse

    Si l’on considère la vie et les œuvres d’Orwell, on peut être impressionné par la grande cohérence qui les unit. Plonger dans l’univers des vagabonds, vivre parmi les ouvriers, lutter en Catalogne contre les franquistes (et les staliniens !), écrire La ferme des animaux puis 1984 : ce sont là les facettes d’une même recherche de vérité, de justesse.
    Mais quand Orwell publiera la parabole et la dystopie qui feront sa notoriété, le monde aura sombré dans la folie : stalinisme et fascisme, contre lesquels seule la fiction lui semble capable de résister. En 1937, Le quai de Wigan n’est encore qu’un avertissement : si nous continuons ainsi, les classes moyennes basculeront dans le fascisme. Pour contrer cette catastrophe imminente, il plaide pour l’avènement d’un vrai socialisme.
    Wigan, ville minière du nord de l'Angleterre, entre Liverpool et Manchester, a été complètement transformée par la Révolution industrielle. En 1937, les mines fonctionnent encore mais le chômage s'installe durablement. Ce livre est une enquête, carnet à la main, dans ces maisons de briques alignées par centaines, une plongée très précise dans les familles ouvrières. Taille du logement, montant des salaires, conditions de travail : Orwell a vu, entendu, senti. C’est muni de cette expérience qu’il développe ensuite ses idées sur un socialisme pragmatique, dont les principes directeurs seraient « Justice et liberté ». Pas une lutte des classes, mais une union des classes contre un oppresseur commun. La "common decency" plutôt que la dictature du prolétariat.
    Certes les conditions sociales ont changé et nous ne sommes pas à l’orée d’une guerre mondiale, mais Le Quai de Wigan conserve une grande justesse dans sa méthode et dans son regard. Le ton d’Orwell et son humour donnent à sa parole une grande proximité.

    Frédéric