Eireann Yvon

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Amoureux de la lecture et de la Bretagne, j'ai fait au hasard des salons littéraires de la région beaucoup de connaissances, auteurs ou lecteurs.
Vous trouverez mes chroniques ici :
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A bientôt.
Yvon

15,20
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22 juillet 2010

Train de nuit !

Je ne connais pas cet auteur, né à Bordeaux, dont c'est pourtant le sixième roman. Il a aussi beaucoup écrit pour la radio et le théâtre.
Un incident de personne est la pire des choses qui puisse arriver à un voyageur de la S.N.C.F !

J'ai durant dix ans de ma vie pris le train tous les jours matin et soir et cela m'est arrivé beaucoup trop souvent! Je pense que le minimum de retard est d'environ deux heures, alors imaginez lorsque dans le même voyage, cela vous arrive deux fois ! Et cela m'est déjà arrivé! C'est sûrement pour cela que j'ai eu envie de lire ce roman.
Un homme revenant de Nicosie et qui semble au bout du rouleau rentre chez lui à Nantes.
Dans le train une femme occupe la place à côté de la sienne, il la regarde brièvement la tête ailleurs ! Il pense à son appartement vide, la boîte aux lettres pleine de factures, de lettres recommandées et de traites en tous genres. Il n'a plus un sou, plus de travail et pas de famille... Le train démarre, la vie du wagon s'organise, il veut s'assoupir et surtout ne pas parler, il se remémore d'autres voyages, d'autres trains, d'autres pays... Dans la poche de son pantalon, une balle de révolver qu'il triture sans cesse...
Soudain, le choc et l’arrêt brutal, après un moment, une voix hésitante transmise par un haut-parleur :
- Suite à un incident de personne, notre train est arrêté en pleine voie. Pour votre sécurité, veuillez ne pas tenter l'ouverture des portes.
Le compartiment est un monde en vase clos. Les réactions des voyageurs sont toujours les mêmes, le silence, les pleurs d'un enfant, les cris de sa mère, l' homme vulgaire et grande gueule à qui on ne l'a fait pas, celui à qui c'est déjà arrivé, à qui cela arrive toujours, l'absence de renseignements...

La conversation qui commence, entre cet homme un peu commotionné et cette femme, d'abord hésitante, chacun tentant de préserver une part de secret, puis l'homme se livre....La femme écoute... Cet homme a une vie, mais pourquoi en parler maintenant ? Les deux mois qu'il vient de passer à Nicosie, quinze jours de travail, le reste pour dépenser l'argent gagné... L'atelier d'écriture à l'institut culturel français, cette mystérieuse rencontre et une enveloppe à la réception de son hôtel.

Les ateliers d’écritures, ces anonymes venant chercher un peu de reconnaissance, raconter un peu de leurs vies, sorte d’exutoire à la grisaille quotidienne. Les pages lues parfois dans l'indifférence, parfois avec la rage au ventre...
Ce narrateur dont nous ne saurons pas le prénom (en a t-il un d'ailleurs?), son enfance somme toute très ordinaire, les parents pas trop bien assortis, la majorité, le départ et la solitude qui peu à peu s'installe....

Un homme et une femme dans un train, pris au piège d'un incident qui va les contraindre à passer quelques heures ensemble, côte à côte. Rencontre improbable, la femme est une présence, celle qui incite à la confession, de cet homme solitaire et dépositaire de l'écriture et de la mémoire de personnes rencontrées au cours de multiples ateliers. Les confessions de toutes sortes lues, enfances et femmes violées, familles ruinées.
Une écriture pleine de douceur et de pudeur, les descriptions de la femme du train sont pleines de retenue et d'élégance!
Un roman mêlant le style très intimiste de cette relation, sorte de huis-clos entre deux êtres qui ne se reverront sans doute jamais plus, et le récit du voyage d'un homme dans un pays qui se cherche et qui lui aussi semble se chercher.
Un très beau livre sur une histoire qui semble toute simple. Comme semble le dire le proverbe, le hasard fait-il bien les choses ? Que savons-nous des gens qui nous entourent au cours d'un bref voyage? L'incident est souvent le déclencheur de conversations qui cesseront au prochain arrêt.

Une très belle découverte!

nouvelles

Pascal Galodé éditeurs

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20 juillet 2010

Histoires soufflées.

Il est difficile de parler d'un livre quand dans le premier texte intitulé, « Prologue en forme de supplique » l'auteur écrit ceci :
« Ami lecteur, ces histoires ont la fragilité du cristal. Elles ont été soufflées pour toi. Transplantées de mon imaginaire dans le tien, elles t' appartiennent. Tu as tout pouvoir sur elles. À commencer par celui de les détruire : en les racontant au lieu de les faire lire. L'aventure ne vaut que par l'ignorance de ce qui nous attend de l'autre côté de la page. Et le suspens se savoure comme une liqueur ».
Que faire ? Les raconter? Les ignorer? Mais dans ce cas, ma chronique n'a pas lieu d'être !
Je n'ai pas pour habitude de recopier la quatrième de couverture alors je ne le ferai pas. Mais je vais malgré tout pioché quelques renseignements sur l'auteur. Comme en plus cet homme est un ennemi de la publicité en son âme et conscience et de son plein gré, il mérite un passage non obligé sur ce blog.

Je vais essayer de résumer succinctement les récits proposés , sans me fâcher avec l'auteur ! Je sens que je vais avoir non pas une langue de bois, mais que je vais taper pour ne rien dire. Quand je dis taper, c'est de mon clavier que je parle, ne vous méprenez pas!

Dix textes composent ce livre qui est le premier d'Yvan Gradis. « L'anniversaire de Tonton Georges » m'a permis d'ajouter un nouveau mot à mon vocabulaire « réphobe ».
Pour « Pépins de pommes » le fond sonore pourrait être « A mon dernier repas » de Jacques Brel. « Photosuicide », allez-y jeter un œil ou un regard ! « Retrouvailles d'amnésiques » histoires de souvenirs, de situations que nous avons tous connues un jour ou l'autre.
« Grand-mère des profondeurs » ou mémoires d'avant et d'outre tombe, sorte de lettre post-mortem. Une nouvelle étrange qui clôt ce livre.

Quelques personnages savoureux, un reptomane, ce n'est pas réellement très courant, ni marchant d'ailleurs ! Par contre la nouvelle vole haut ! Une femme et un homme sont-ils sur un pied d'égalité ? Elle participante, lui spectateur? Un homme dans le métro, bon chic-bon genre, en odeur de sainteté peut-être? Le visiteur d'une galerie de photos aux œuvres un brin morbides. Vous et moi dans des situations de tous les jours pour certaines ou extravagantes pour d'autres!

Je vais malgré tout donner mon avis, puisque je suis là pour cela, j'ai beaucoup aimé le côté noir de ces récits, qui mélangent allégrement le sordide et le grotesque, je pense en particulier « Concours de claudication ». Je voudrais aussi souligner l'originalité des histoires et la qualité de l'écriture. Je trouve l'idée de donner la date et les lieux où les nouvelles furent écrites très surprenante. Un bon moment de littérature et la découverte d'une écriture très précise.

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16 juillet 2010

J'aime Paimpol....et son sous-marin.

Premier roman de cet auteur né en 1971. il raconte la reconversion d'un sous-marin « très rose » en bordel, non pas ambulant comme le chantait Brel, mais flottant entre deux eaux! Et dans la baie de Paimpol, au pied de l'abbaye de Beauport, extase et épectase, cul-béni et cul payant. Embarquement immédiat!

Un jeune homme bien sous tout rapport est embauché dans une maison de joie des Côtes d'Armor. Cette dernière est l'épave d'un ancien sous-marin qui fut la honte de la marine nationale, de bordel militaire non officiel, il est devenu « maison de joie » civile et déclarée. Ce genre d'endroit, qui se nomme ici « Olaimp », est de nouveau légal, et figure dans des guides spécialisés, qui existent, comme pour les restaurants et les hôtels , répertoriant ce genre d'établissements.
Beau-vestiaire est le surnom de ce jeune homme, il nous fait visiter son lieu de travail, les structures d'un bâtiment de guerre transformé en lupanar! Nous faisons aussi connaissance du personnel, des femmes attachantes car l'auteur évite le mélo, mais qui à un moment ou à un autre ont dû se résoudre à vendre leurs corps.
Des bretonnes Morgane, Paimpolaise et La Rose des Vents, la québécoise Mic-Mac, Liberty la marocaine et les autres. Les hommes Ankaou pour la gente masculine et Free pour les femmes en mâle de sensations fortes!
Nous avons le droit de lire les réflexions des clients déposées dans « La boîte à désirs ». Un paragraphe s'intitule « Questions de base pour un profilage marketing du client » ; l'auteur nous livre des témoignages de clients et de clientes plus vrais que nature, du fusilier marin de Lorient à la jeune anglaise qui pour perdre son pucelage veut profiter des avantages dont la nature a fait profiter « Free ». L'Olaimp » s'occupe également de la formation de ses futures employées, ce qui donne sur un CV : Séminaire d'économie sexuelle et de prostitution générale dans le sous- marin Olaimp (22).
Les sorties de Beau-vestiaire sur sa moto sont intitulées des « Fugues » très poétiques et musicales. Au cours d'une de ces sorties, il rend un hommage à Patrick Dewaere, natif de Saint Brieuc.
Quelques chapitres comme « Approche textuelle du folklore érotique breton » nous donnent des versions plus salées de quelques vieilles légendes. Un autre s'intitule « Note sur le nom d'un corps de métier » avec par exemple cette réflexion :
- « Morue » est trop lourd à porter à Paimpol-trop de souvenirs liés à la pêche en Islande.
J'aime beaucoup le côté sérieux, style universitaire préparant sa thèse qui pourrait s'appeler « Des retombées politico-financières d'un bordel sous-marin dans la baie de Paimpol ». Un chapitre information pratique, où tout est dit du chèque cadeaux accepté aux accès handicapés en passant par la sécurité intérieure et extérieure, les admissions sont rigoureuses (les marins saouls ne sont pas acceptés). Avec plusieurs cartes concernant les menus gastronomiques et les menus plaisirs distillés par des péripatéticiennes. Imaginez, prendre des « sucettes boulevard » au dessert puis passez un moment avec Sissi : « elle fera de vous un empereur, ....si vous le méritez ».
Mais le style change, les femmes et les hommes parlent, les portraits des jeunes et moins jeunes femmes travaillant dans ce sous-marin, mais pas en sous-mains, est par contre plein de tendresse et de respect.
Profondément humain , ces femmes et ces hommes dévoilent un peu de leurs vies, et même parfois un peu de l'avenir qu'ils espèrent.
Une oeuvre plus grave qu'il n'y paraît au premier abord, ce monde aseptisé dans le vase clos d'un sous-marin, politiquement correct n'est-il pas la négation de la vie? Une approche de la prostitution de l'avenir, « Le meilleur des mondes » version sexe? Mais pour les femmes, la sécurité est garantie, le proxénète est remplacé par l'Etat qui est le grand gagnant de l'affaire.
Un grand livre, une expérience littéraire et une découverte surprenante car l'auteur mélange allégrement les genres et le réussit très bien. Et quelle imagination!

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15 juillet 2010

Errances argentines.

Jeune auteur argentin, il est né en 1976, ses parents font partie des nombreux disparus de la dictature argentine. Ce livre qui mêle road-movie et conquête du Graal est pour moi une expérience, car ma connaissance de la littérature d'Argentine est proche du zéro.

La grand-mère du narrateur est persuadée que sa fille a eu un second fils durant sa captivité dans les geôles d'Argentine. Le narrateur entend des bribes de conversation à ce sujet, conversations qui s'arrêtent quand ses grands-parents l'aperçoivent !
Plus tard dans un pays en reconstruction politique et en quête de vérité , il cherche lui aussi sa propre identité. Romina est enceinte de lui, mais il refuse cet enfant et ils se séparent, puis il fait la connaissance de Maïra, travesti dont le comportement l'intrigue ! Est-il un agent secret ? Un assassin ? Un mouchard ?
Son demi-frère? Une parole de Maïra le hante :
« Va t-en ou je te tue toi aussi ».
Maïra disparaît, l'errance du narrateur prend un tour dramatique, il perd sa grand-mère, son logis. Commence alors une grande errance l'amenant petit à petit à la clochardisation....
Alors il rencontre Marino qui l’héberge et lui redonne un semblant de vie proche de la normalité, ils construisent ensemble une maisonnette, puis décident de partir s'établir à Bariloche....
Une nouvelle vie commence pour eux, ils travaillent dans le bâtiment, mais les évènements et les nouvelles rencontres vont de nouveau précipiter le chaos...
Le narrateur, figure centrale de ce livre, semble ballotté par les événements et sombre peu à peu. Sa quête familiale, la recherche de ses parents, père, mère et frère, si ce dernier est réel, sera chaotique, mais l’amènera à rencontrer des activistes politiques et des marginaux de toutes sortes. Sa sexualité sera aussi pour lui une source de questions et de mode de vie.
Beaucoup de personnages dans ce récit, Romina, le première amour, Maïra, travesti personnage très ambiguë dont il s'éprend aussi. Mariano, élève architecte, pense que pour bien faire ce travail, il faut commencer par le bas, monter des murs, manier la truelle, etc...Il apparaît comme un personnage sympathique, au début...Mica, un autre travesti paraguayen, va aussi prendre sa part du voyage initiatique du narrateur. El Alemàn, lui par contre, est le personnage ignoble de l'histoire, machiste, homophobe et vantard, bref le pourri de service. Une plongée assez hallucinante dans la mouvance des travestis en Argentine, dont certains travaillent dans le bâtiment!
Un monde étrange et souterrain à la lisière de la normalité dans un pays marqué par une histoire très récente. Un pays qui se remet de la douleur des tragiques évènements qui se sont déroulés sous la dictature, avec par exemple les manifestations des HIJOS (organisation d'enfants des disparus).
Une partie de cette histoire se passe à Bariloche au pied de la cordillère des Andes, ville en pleine expansion ( au moment de l'écriture de ce livre du moins), ce qui explique la présence d'un quartier paraguayen, mais aussi coréen! Et cette ville était aussi un lieu de refuge pour certains allemands qui avaient fui l'Europe à la fin de la guerre.
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce récit, pourtant le style de l'histoire semblait me convenir.
Pas le bon livre au bon moment, dommage !

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7 juillet 2010

Enjoy *

Je n'ai pas un goût immodéré pour ce genre de personnages, mais je suis toujours prêt à lire leurs œuvres. La quatrième de couverture décrit l'auteur (entre autre) comme une icône sexuelle inlassable et inclassable, alors ne boudons pas notre plaisir, enfin s'il est possible d'employer ce mot.

Musicienne, actrice et aussi écrivain, ce livre est une compilation d'écrits traitant de sujet divers.
Une introduction, trois séries de textes « Mesures désespérées », « Cuntzilla », « Sous estimés », puis quatre interview-portraits dans « Têtes brûlées » et un épilogue « Malade de désir ».
Le titre de l'introduction « Je travaillerais pour de la drogue » est en soit suffisamment explicite ! La première série de textes s'intitule « Mesures désespérées »! Et le désespoir est là, omniprésent!
Retour en arrière « 1967 », année où certains soubresauts de la société américaine s’annonçaient. « Canasta » est un texte coup de poing, qui fait très mal, cauchemar éveillé dont personne ne sort indemne.
Le sommeil, qualifié par Lydia Lunch d' « Insaisissable salope », les enfants d'accord pour les aimer, mais ceux des autres dans « La maternité : ce n'est pas obligatoire », les relations de l'auteur avec la police dans un texte  « Garde à vous » plutôt joyeux, enfin plus que le reste du livre. « La bête » a existé, il était batteur, mais la mort l'a battue, elle gagne toujours!
« Johnny derrière le démon » fut d'abord une tentative de scénario pour le cinéma, mais c'est une histoire forte et dure, pleine de sexe, de drogue et d'alcool, avec aussi un homme et une femme.
« La piste du diable : Ray Trayler » est le texte que je préfère de ce livre. Un homme en prison se souvient d'une femme et de leurs relations sexuelles à haut-risque...Un récit sur deux niveaux, maintenant et avant..
Des personnages il y en a ! Un texte s’appelle d'ailleurs « Chers Johnny, Jimmy, Joey, Frankie, Marty Tony, Tommy... Le père et ses copains de cartes et de beuveries..Des hommes rongés par tout un tas de substances chimiques ou autres...Et l'auteur, sa vie son œuvre....
Lydia Lunch s'entretient dans une série d'articles avec quatre hommes, certains très connus, Hubert Selby Jr ou Nick Tosches, d'autres moins Jerry Stahl ou Ron Athey. J'ai sélectionné une phrase de ces interview:
H.Selby Jr : L'écriture a une véritable valeur thérapeutique...si je n'avais pas écrit, j'aurais peut-être explosé...qui sait....
N.Tosches : Le New-York que j'aime a complètement disparu. Alors je vis dans des limbes, avec un cordon ombilical qui me relie...à rien.
J.Stahl : J'étais une pute chimique altérée de bien des manières.
Âmes sensibles et partisans d'un certain classicisme littéraire, passez votre chemin, cette compilation n'est pas pour vous.
On peut éprouver deux choses à la lecture de ce livre, un immense dégoût pour le genre humain ou considérer que l'auteur est une personne courageuse! On peut aussi ne pas aimer ce genre littéraire glauque et cru à la limite du voyeurisme. Il est aussi possible de détester ce genre de marginaux drogués et destructeurs successeurs des Jack Kerouac, Allan Ginsberg, William Burroughs ou encore Herbert Huncke, mais ils sont représentatifs d'une époque. Pas très agréable, hélas !
*Dernier mot d'une courte introduction de l'auteur.